À Roquefort-sur-Soulzon, Emmanuel Macron défend une ruralité sous tension

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Ce jeudi 3 juillet, Emmanuel Macron a atterri à 14h20 en hélicoptère au pied du Combalou, dans le petit village de Roquefort-sur-Soulzon, patrie du plus célèbre fromage à pâte persillée. Le chef de l’État est venu célébrer le centenaire de l’Appellation d’origine protégée (AOP) Roquefort, fleuron de la gastronomie française et symbole d’un patrimoine agroalimentaire vivant.

Accueilli en petit comité, loin de l’agitation habituelle de ses déplacements, le président a entamé sa visite dans les caves historiques de Roquefort Société, dont la partie centrale, datant du XVIIe siècle, a servi à l’affinage jusqu’aux années 1980. Devant près de 10 000 fromages en cours de maturation, les affineurs lui ont livré les secrets de fabrication de ce produit emblématique : piquage permettant au Penicillium roqueforti de se développer, choix des souches pour varier intensité et onctuosité, et rythme de lactation des brebis locales, désormais en « vacances » pour cinq mois de gestation.

Le président s’est prêté au jeu, écoutant avec intérêt la légende fondatrice du Roquefort : celle d’un jeune berger distrait par une bergère, abandonnant son repas dans une grotte. « Donc un amour non conclu mais profitable, qui a fait d’autres petits », a-t-il plaisanté.

Entre tradition et inquiétudes

Dans les ruelles désertées du village, vidées de leurs touristes pour l’occasion, Emmanuel Macron a ensuite arpenté les stands des sept producteurs historiques – Carles, Gabriel Coulet, Fromageries Occitanes, Papillon, Société, Vernières et Le Vieux Berger – ainsi que ceux d’acteurs de l’agropastoralisme et du cuir.

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Mais au-delà de la célébration patrimoniale, les échanges avec les professionnels de la filière ont rapidement pris une tournure politique. Car l’AOP Roquefort, forte de 2 600 éleveurs, 1 330 exploitations et près de 14 000 tonnes commercialisées en 2024, fait face à de nombreux défis. Transmission des exploitations, pression sur les prix, réintroduction du loup, complexité administrative : les inquiétudes s’accumulent.

La signature potentielle de l’accord commercial Mercosur entre l’Union européenne et l’Amérique du Sud suscite notamment de vives interrogations. « On sait que l’élevage n’est pas très encouragé. On est prêts à produire, mais il faut qu’on nous en donne les moyens », a exprimé un éleveur.

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Macron rassure

Hugues Meaudre, directeur de Roquefort Société, a salué un produit « ancré dans son territoire mais tourné vers l’avenir », fruit d’un « collectif à l’œuvre, confédération de fabricants et d’éleveurs ». Emmanuel Macron, lui, a voulu adresser un message de soutien clair à la filière : « Le savoir agricole, on veut lui donner un avenir. Il faut défendre notre industrie agroalimentaire, nos prix, nos savoir-faire. »

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Sur l’exportation, il a promis une meilleure organisation française : « Il faut qu’on soit groupés, comme les Italiens. Je réunirai à la fin de l’été un comité présidentiel de l’export. » S’agissant du CETA, accord avec le Canada, il a défendu ses effets : « +30 % pour le Roquefort. » Sur les tensions commerciales avec les États-Unis, il s’est montré combatif : « C’est un peu la loi du plus fort, mais on aura plutôt quelque chose autour de 25 %. Il faut un accord avant le 9 juillet. »

Un sujet particulièrement brûlant pour les producteurs de Roquefort, qui assument actuellement « une baisse de -30 à -40% » vers les USA. « On compte sur vous pour mettre la pression sur le président des Etats Unis », a déclaré Hugues Meaudre.

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Un président sur tous les fronts

Évoquant aussi bien l’empreinte carbone que les attentes alimentaires des nouvelles générations, Emmanuel Macron a esquissé une vision d’équilibre. À ceux qui s’opposent aux énergies renouvelables, il a répondu : « Ce n’est pas une bonne idée de dire qu’il faut arrêter le renouvelable. Il faut sortir des lubies. L’éolien en mer, l’hydroélectricité, on en a besoin pour la neutralité carbone d’ici 2050. »

Concernant le Nutriscore, le président a confirmé que son caractère resterait facultatif : « Il éduque le consommateur, mais les pratiques sont trop hétérogènes. Je ne suis pas pour le généraliser. »

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Une promesse rurale

Si le Roquefort fait figure de monument, sa filière reste vulnérable face aux évolutions du commerce mondial et aux mutations des modes de consommation. Les producteurs cherchent aujourd’hui à séduire de nouveaux publics, notamment en développant des versions plus douces du fromage pour des consommateurs plus jeunes, alors que la majorité des acheteurs réguliers ont plus de 60 ans.

À Roquefort-sur-Soulzon, Emmanuel Macron n’a pas seulement salué un fromage d’exception. Il a voulu défendre une ruralité qui doute, une tradition qui cherche à se réinventer, et un modèle agricole que la République dit vouloir protéger.